Zandiland

Publié le 24/02/2016 à 16:55 par grosjm Tags : photos blog

 

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- ON EST TOUS HANDICAPÉ -

- ON EST TOUS HANDICAPÉ -

 

Je dénonce au travers de mon témoignage une façon d’apparence anodine de générer de la SOLITUDE. En ce début d’année, souhaitons un petit peu moins d’égoïsme et la terre tournera beaucoup plus rond.

 

Je me présente : une moitié de vie valide, puis l’autre, handicapé en fauteuil. Paradoxalement ma seconde moitié de vie s’avère être la plus riche et la plus pertinente. Elle m’a permis de développer ma qualité d’écoute, d’observation et d’analyse. Je m’aperçois avec stupéfaction que mes proches voisins ont régressé dans ces domaines. L’immense majorité fait semblant d’ignorer et de ne pas voir, tandis que certains autres sont animés par le goût de nuire. Ils préfèrent cultiver l’art de la bêtise ou de la méchanceté gratuite. Implicitement ces comportements aboutissent au même résultat. Egoïsme ? Désœuvrement ? Manque de courage ? Stress, soucis personnels ? Dérive inéluctable de la société ? Peu importe.

Concrètement : c’est chacun son caca. 

 

Marié, deux grands enfants qui font dorénavant leur vie loin de chez nous et trois petits enfants. Vingt années de fauteuil derrière moi, vous l’avez compris, je cumule handicap et 3ème âge. Copropriétaire depuis une trentaine d’années au sein d’une importante résidence dans un quartier sans incidents majeurs du centre ville. Lorsque j’ai emménagé, j’étais valide, j’exerçais une activité professionnelle et mes deux enfants étaient inscrits à la maternelle du quartier. Hélas quelques années plus tard une maladie grave a fait basculer  ma vie.

Je vous conte mes tribulations.

 

Début 2012, la résolution de sécuriser la résidence a été décidée. Je reprends le terme ’sécurisé’ utilisé à l’époque bien qu’il me semble cependant considérablement inapproprié. Je ne suis en effet pas convaincu du bien fondé de ce projet puisque chaque entrée de hall est déjà équipée d’une platine d’interphone permettant de filtrer les entrées. Lors de l’Assemblée Générale de 2012, l’une des rares voix s’étant élevée contre le projet, fut la mienne.

Démocratie oblige, je me suis incliné.

 

Aux dires des résidents, cela devenait urgentissime. Sans perdre de temps, les travaux désormais qualifiés d’indispensables ont été effectués. Notons que ce nouveau portail à fonctionnement manuel demeure l’unique passage accessible aux fauteuils roulants permettant de sortir de la copropriété. Cet espace auparavant en libre accès ne comportait pas de porte. La première année après son installation, je pouvais l’ouvrir. La manœuvre était laborieuse depuis mon fauteuil roulant, mais demeurait malgré tout plausible. Jusqu’au jour où je ne le puis plus. Il aurait fallu que je sois accompagné par un tiers à chaque fois que je devais sortir de chez moi.

Pourquoi ne le pouvais je plus ?

 

Je supputais un durcissement du réglage ferme porte (bloom) ou un échange du mécanisme par un système plus puissant car certaines personnes se plaignaient du délai de fermeture de celle ci. Il aurait en effet pu permettre l’intrusion furtive d’une personne étrangère de la résidence ou d’un animal de compagnie. Des membres du conseil syndical m’affirment  que ce n’est pas le cas. Qu’il avait été changé à l’identique et que j’avais tout simplement perdu des forces à cause de ma maladie… Ce qui j’en conviens aurait pu être possible. Au début de mon problème de santé, on m'a souvent posé la sempiternelle question : que vous est il arrivé pour vous retrouver comme ça ? Je regrette aujourd’hui de leur avoir révélé le nom et les symptômes de l’affection neurologique longue durée dont je suis atteint. Et surtout de leur avoir spécifié qu'elle pouvait  s'avérer évolutive  au niveau musculaire.

 

La résidence étant constituée de quatre blocs distincts, il m’est impossible de me déplacer physiquement au domicile des membres du conseil pour causes d’inaccessibilité notoire des halls d’entrée puis des ascenseurs de chaque allée. Ne pouvant me rendre chez eux. Pendant trois  mois  je les ai donc informés via courriels (une quinzaine de personnes) et courriers postaux au régisseur. Aucun n’a daigné donner suite. Ni rappel téléphonique, ni mèl, ni visite de voisinage. Rien.

Pas le moindre frémissement constructif.

 

Des bruits malveillants se propagent dans la copropriété « pourquoi ne déménageriez vous pas ? » « À quoi bon engager des frais pour ce Monsieur, il ne sort jamais ! ». Décodage : sortir dans la cour de l’immeuble sachant que je ne pourrais pas ouvrir la porte, faire semblant d’essayer puis rentrer chez moi la tête basse.

Auparavant, dès décembre 2013 une réplique téléphonique adressée directement: « L’intérêt général prévaut sur l’intérêt individuel. Vous n’y arriverez jamais ! » Mon interlocuteur faisait fi de la nuance entre les mots ‘intérêt’ et ‘liberté’. Liberté d’aller et venir. Puis la société de maintenance m’a enfin envoyé un mèl laconique : « La seule solution serait de motoriser le portillon ».

 

J’ai donc fait établir deux devis, dont l’un par l’entreprise agrée par la régie pour assurer la maintenance du portail. Cette société connait donc le matériel, sa fréquence d’utilisation, le site… Coût des travaux: douze euros pour chacun des copropriétaires. Malheureusement, il était trop tard pour présenter officiellement ces devis à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale. Il aurait fallu attendre une année de plus ou provoquer à mes frais une autre assemblée de copropriétaires (location de la salle, acter les 250 convocations, les envoyer en recommandé…). Ma gesticulation inutile m’avait fait perdre trop de temps. Lors de l’AG en février 2014 j’ai tout de même signalé mon problème dans le cadre des questions diverses et confié mon devis au président de scéance. Argument : ça ne marchera jamais. Le système que vous proposez n’est pas fiable. Nous allons étudier la question lors de la prochaine réunion du  conseil syndical.

 

Les dites réunions mensuelles se déroulent à neuf heures le matin, à l’extérieur, dans la cour de l’immeuble, et sans ordre du jour précis.  Le  représentant de la régie et quelques conseillers se promènent dans les parties communes, visitent les caves, vont dans les espaces verts, se rendent chez le gardien… Moi, à cette heure là, mon auxiliaire de vie me fait prendre ma douche. Et pour ce faire, je me lève à six heures tous les matins. Je ne suis dignement opérationnel qu’en fin de matinée. On appelle cela la dépendance.

Je n’ai donc pas pu assister à cette pseudo étude.

 

Le verdict tombe via un courriel du régisseur : « pour sortir de chez vous, passez par le sous sol et empruntez avec votre fauteuil à traction manuelle la rampe de sortie voitures  puis la porte basculante ». Décomposons la scène : ils me demandent de descendre au sous sol, de passer par les garages, de longer les caves et le local à poubelles, puis de cheminer dans ce labyrinthe sous-éclairé et ensuite gravir une rampe pentue (en principe réservée aux voitures) au risque de croiser un véhicule en sens inverse. C’est juste inacceptable et d’ailleurs impossible. Même avec un fauteuil équipé d’une aide à la propulsion je ne peux pas monter cette pente d’au moins 20% avec mes petits bras musclés. J’ai donc décidé de taper fort. Que pouvais-je faire d’autre ? Ils mettaient d’autorité à mon affaire un point final qu’ils supposaient définitif.

 

J’y suis allé crescendo et j’ai étalé mes actions durant trois mois en espérant qu’ils changent d’avis : j’ai fait distribuer une pétition dans les 250 boîtes à lettres : seriez vous favorable pour  dépenser 12 € afin d’automatiser la porte collective que vous utilisez quotidiennement ? Notons que le syndic s’est empressé d’afficher une note de service dans les hall d’entrée des quatre allées. « Nous avons été avisé de la diffusion d’un questionnaire… En aucun cas nous n’avons été informé de cette initiative personnelle. Seule l’AG est compétente pour… »

Ma pétition n’a suscité qu’une trentaine de réactions.

 

Puis avec l’aide d’une association, nous avons lancé un communiqué de presse. Et  mis un blog en ligne. Aucune réaction. Ensuite j’ai consulté le défenseur des droits afin de dénoncer la discrimination. Il a envoyé un courrier à la régie. Aucune réaction non plus. Le régisseur me dira ne pas l’avoir reçu ! Puis je me suis tourné vers les médias. Article dans le quotidien le plus vendu de la région qui a consacré une page à ma problématique. Une seule réaction : une longue lettre ANONYME sur feuille grand format recto verso. Plutôt que de prendre la peine de m’écouter, d’essayer de comprendre, de me téléphoner ou de venir me rendre visite au 5ème étage. Moi je ne peux pas aller chez eux, mais eux le peuvent. Oui, vous avez bien lu, une fallacieuse lettre anonyme envoyée avant la publication du fameux journal.

 

 Aux dires de cette longue lettre dont je reprends les termes, « mes propos seraient diffamatoires et je prendrais les copropriétaires en otage.On m’explique que seule une diminution de mes forces physiques ne me permet tout simplement plus  d’ouvrir ce portail.Le corbeau me reproche également d’évoquer une rénovation par un groom beaucoup plus puissant qu’avant, alors qu’il ne s’agit d’après lui que d’une simple réparation de malveillance1Quant à ma proposition : la lenteur de l’ouverture et de la fermeture fera que les utilisateurs forceront sur le mécanisme pour ouvrir plus vite, d’où une dégradation rapide de la fiabilité de ce dispositif et la négation de la sécurisation de notre résidence. Et il ajoute que j’ai parfaitement les moyens de faire l’acquisition d’un fauteuil électrique et que cet achat sera de toute façon une obligation pour moi dans peu de temps… »

Là, c’est DUR !    Signature : un copropriétaire.

 

1Ultérieurement j’ai eu la confirmation que la simple réparation suite à une malveillance, s'est soldée en réalité en un échange pur et simple par un  mécanisme plus puissant !

Ils l’avaient demandé sciemment à l’entreprise de maintenance mais m’affirmaient droit dans les yeux que ma force physique avait faibli !

 

Il semblerait que dans les co propriétés il y ait toujours des individus désœuvrés s’étant attribué le job de surveiller, d’épier, de jouer au petit chef auprès du gardien, de colporter ou de créer des rumeurs, de mettre des bâtons dans les roues… Ce courrier anonyme m’aura tout de même permis de rebondir en provoquant un conseil restreint du syndic. Autour d’une table, un après midi dans le bureau du gestionnaire de la régie. J’ai enfin été entendu et ma requête a été prise en considération.   OUF !

 

Curieusement en juin 2015 après ce remue-ménage et le déploiement démesuré de tous ces efforts, le réglage mécanique demandé initialement est soudain devenu possible. Un petit tour de vis afin de modifier la puissance du ferme porte effectué par le PDG de la société de maintenance chargée d’assurer l'entretien du portail en présence de trois membres du conseil, du gestionnaire de la régie et de moi pour les essais (!).

Eh oui, tout ça pour ça !

 

Qui est le plus handicapé ? Moi avec mon fauteuil ou les copropriétaires dits normaux ?

Chacun son handicap, moi, ce sont mes jambes...

Rappelons que le sens habituel donné au mot ‘valide’, vient arbitrairement des seuls valides eux-mêmes.

Une pensée aux trop nombreuses personnes handicapées, âgées,  vulnérables, qui sont bloquées chez elles, coincées à perpétuité, oubliées de tous, complètement isolées, à cause d’un petit détail qui pourrait être résolu facilement pourvu que quelqu’un veuille s’en donner la peine et prendre leur problème en considération. 

 

Il devient urgent que chacun prenne conscience de l’impact de l’indifférence. Ce type de comportement peut créer des situations dramatiques. Un mot, une aide morale, une écoute, peut débloquer des situations.

 

Dans le but de dénoncer cette dérive sociétale, je vous invite à relayer ce blog dans les réseaux sociaux, auprès de votre carnet d’adresses mails ou par tout autre moyen. 

 

 

Afin de corroborer mes propos, les documents  (la pétition, l’affichage du syndic, le blog avec ses pertinents commentaires, les autres différents liens, le communiqué de presse, l’article de journal, la lettre anonyme…  et autres renseignements) sont à votre disposition sur simple demande :

 

 

 

                     jm-gros@orang....        

 

 

Il serait amusant de transposer mes pérégrinations décrites ci dessus, dans le pays de Zandiland, là où les rôles sont inversés. Là où les personnes en fauteuil sont en situation de validité et implicitement s'auto déclarent normales.

 

J’ai emménagé il y a trente ans au sein d’une importante copropriété du centre ville. J’étais un Zandi normal, mais ma roue s’est brusquement arrêtée de tourner suite à un accident de fauteuil sur le trottoir de la 5ème rue. Le coup du zapin ! Ma vie a basculée. 

Je me suis retrouvé « debout ».

 

 

À l’époque où j’ai effectué cette acquisition, l’entrée de la résidence était libre d’accès depuis la rue. Seul l’interphone  de la porte du hall filtrait les entrées, et tous les habitants s’en sont accommodés pendant ces trente dernières années.

 

Jusqu’au jour où ils ont décidé (à l’unanimité sauf moi) de sécuriser la résidence. C'est-à-dire de clôturer l’espace privé et d’installer une porte. Une zandi-porte standard, de la hauteur d’une personne assise. Une porte normale dans ce pays peuplé de fauteuils où chacun roule pour soi.

 

L’unique copropriétaire « debout » qui n'a pas la chance de se déplacer en fauteuil comme tout le monde, se retrouve du coup un peu plus en situation de handicap. Je suis obligé de m’accroupir pour passer dessous cette porte à chaque fois que je souhaite sortir de chez moi.

 

Comme tous mes camarades de galère, j’ai continuellement mal aux reins dans ce monde où tout est toujours trop bas pour les gens comme nous. De plus, on est suspecté de simulation afin d’obtenir une pension ainsi que les avantages qui découlent de notre handicap. Dixit un de leur éminent spécialiste, notre mal de rein serait une maladie chronique d'origine génétique.Trop c’est trop.

 

Outre ce mal de dos, à chaque sortie je dois me faire accompagner par un tiers car la poignée d’ouverture est trop basse pour moi. Il m’est impossible d’actionner le puissant bloom puis de me faufiler rapidement dans l’entrebâillement avant que la temporisation ne décide de refermer. Dans le meilleur des cas je me retrouve coincé et je tombe.

 

Les autres copropriétaires avec un petit sourire en coin font semblant d’ignorer mes difficultés et prétendent ne pas pouvoir remplacer ou modifier ce satané portail.Une telle transformation fragiliserait la structure de l’ensemble prétendent ils. La sécurisation de notre résidence ne serait plus assurée. Il faudrait demander l’avis d’un expert, obtenir l’aval de l’architecte, les normes de sécurité ne seraient plus respectées. Il faut proposer plusieurs devis et en demander l'accord lors de la prochaine assemblée annuelle...

Bref, c'est pas gagné !

 

Avec un accent compatissant mes gentils voisins me disent qu’ils voudraient bien faire quelque chose, malheureusement… ce n’est pas possible.

Pourquoi ne déménageriez vous pas ? me conseillent ils, confortablement installés dans leur fauteuil. Par ailleurs ils font courir la pertinente rumeur selon laquelle je ne sors jamais de chez moi. Pourquoi feraient-ils des frais pour moi ! C’est bien connu :

« se retrouver « debout », çà n’arrive qu’aux autres ».

 

 

 

 JM GROS                 pseudo SORG  MJ                            

 

 

 PS: n'oubliez pas de laisser un commentaire. Merci et à bientôt.