Maladie de Lyme : quand les tiques attaquent, les malades contre-attaquent

Un groupe de 70 patients atteints de la maladie de Lyme vient d'annoncer qu'il allait attaquer l'État et le fabricant des tests de dépistage en justice.

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La tique peut transmettre des maladies virales des animaux aux hommes. 
La tique peut transmettre des maladies virales des animaux aux hommes.  © REA

Temps de lecture : 6 min

La polémique continue d'enfler au sujet de la maladie de Lyme : 70 malades atteints par cette maladie, las d'alerter les pouvoirs publics, s'apprêtent à attaquer en justice l'État français et le laboratoire BioMérieux, qui commercialise les tests de dépistage. Du jamais-vu en France.

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La maladie de Lyme transmise par les tiques, sous-diagnostiquée en France, plonge des patients dans d'extrêmes souffrances. Lorsqu'elle n'est pas diagnostiquée et traitée précocement, elle peut devenir chronique et engendrer des symptômes en pagaille : fièvre, fatigue extrême, douleurs et gonflements articulaires, paralysies faciales, troubles de la mémoire, problèmes psychiatriques, complications cardiaques… On diagnostiquerait même à tort chez certains, scléroses-en plaques et autre polyarthrite rhumatoïde.

Des traitements insuffisants

Et comme si le mal ne suffisait pas, en France, la chronicité de cette maladie n'est pas reconnue par les pouvoirs publics qui suivent à la lettre les recommandations de la Conférence de consensus de 2006, dictant aux médecins les règles de prise en charge des malades, et qui, de l'avis des spécialistes, sont inadaptées. « Les traitements préconisés sont largement insuffisants, nous assure le professeur Christian Perronne qui dirige le service de maladies infectieuses à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine). Les médecins ne peuvent, par exemple, prescrire des antibiotiques efficaces contre les bactéries responsables de la maladie de Lyme que pendant 21 jours, là où il faudrait de longs mois de traitement. Le Canada et même les États-Unis ont fini par s'en rendre compte, et revoient les recommandations, mais en France, on traîne ! Et les médecins qui osent sortir des clous finissent devant les tribunaux ! » Pire, pour le diagnostic, « les tests qui sont utilisés sont pour la plupart bons à jeter à la poubelle, car ils ne dépistent pas la majorité des malades », rage le professeur qui reçoit des centaines de malades désespérés chaque année, sans parler de tous ceux qui, des quatre coins de France, essayent d'obtenir un rendez-vous dans son service et qu'il ne pourra jamais recevoir. L'annonce de cette plainte de malades ne l'étonne guère « D'abord, on prend les patients pour des fous. Quand enfin on suspecte Lyme, on leur propose des tests bidons et si arrivés là ils ont la chance d'avoir un test positif, on leur propose des traitements qui ne les guériront pas ! Il y a de quoi être énervé non ? » martèle le spécialiste.


Lire notre interview de Christian Perronne : « La maladie de Lyme est sous-diagnostiquée en France »


Ces problèmes de diagnostic et de prise en charge avaient déjà été relevés, en décembre 2014, dans un rapport du Haut Conseil de la santé publique commandé par le ministère de la Santé, car « le ministère a été saisi de cette question dès 2012 par les malades. S'il y a eu des petites avancées théoriques depuis, absolument rien n'a changé dans le quotidien des malades ! Ils en arrivent à des situations désespérées. Certains ont perdu leur emploi, d'autres sont paralysés ou alités. Du plus jeune au plus vieux, ils sont comme foudroyés par la maladie », explique Catherine Faivre, avocate des plaignants. Les règles tant dénoncées sont comme figées, et les 27 000 malades de plus dépistés – officiellement – chaque année ne voient pas leur sort s'améliorer. La coupe est pleine pour les malades qui n'ont cessé d'alerter les pouvoirs publics, c'est pour ça que 70 d'entre eux ont décidé de passer à la vitesse supérieure. « Ils ont tout essayé, ils ne voient plus d'autre solution que d'engager une action en justice », déplore l'avocate. Pour la plupart, ils sont passés par une longue période d'errance médicale, certains sont même allés en Allemagne pour démasquer le mal qui les rongeait.

Le test allemand réputé plus sensible

À l'instar de Fernand Bouly, un malade interrogé par Europe 1, qui s'est tourné vers le test allemand, réputé plus sensible, et qui, par chance, a pu enfin mettre un nom sur sa maladie que personne n'avait su lui trouver en France. « Allez voir un psychiatre », s'est-il entendu dire comme se l'entendent répéter inlassablement les malades de Lyme par des médecins malheureusement peu formés durant leur parcours universitaire à cette pathologie très complexe. Le diagnostic ne suffit pas à sortir le malade de son enfer : « Mon mari souffrait 18 heures par jour, et ce, pendant trois ans. À un moment donné, quand mon mari a été diagnostiqué, j'ai dit que j'aurais préféré qu'il ait un cancer. Au moins, en France, il y avait un protocole et il était pris en charge, c'est vraiment une très, très grande détresse » raconte Christiane, sa femme au micro d'Europe 1.

Voilà un pays qui revient souvent dans le discours des malades : l'Allemagne ! Avec ses super-tests et ses super-traitements que tous ne peuvent s'offrir. L'herbe serait-elle à ce point plus verte de l'autre côté du Rhin ? « C'est mieux, mais c'est quand même loin d'être le paradis pour les malades de Lyme ! Ce qui est sûr, c'est que les médecins allemands sont plus libres de leurs mouvements, de leurs choix thérapeutiques, ils ne sont pas comme en France poursuivis par les caisses d'assurance maladie et peuvent mieux prendre en charge leurs patients. Mais là-bas aussi il y a beaucoup de progrès à faire pour améliorer le diagnostic et soigner les malades, comme partout dans le monde ! Ce n'est malheureusement pas un problème français !» précise le professeur Perronne, également vice-président de la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques.

En attendant, « BioMérieux est à ce jour totalement incapable de garantir que ses tests sont fiables et l'État, largement alerté, continue d'imposer ces tests défaillants qui retardent la prise en charge des malades… Mais le temps joue contre les malades, ils sont en plein désespoir ! Très affaiblis, mais bien en colère. Ils ont besoin d'être entendus », explique à son tour maître Julien Fouray, second avocat.

Une journée de sensibilisation

Les deux avocats sont saisis chaque jour par de nouveaux malades, membre d'associations ou non, et se retrouvent confrontés à de véritables drames humains. « Un malade des Vosges s'est suicidé, et ce n'est pas le seul, tant son quotidien était devenu impossible, il voulait que son geste serve la cause des malades, des membres de sa famille prennent donc part à cette action à sa place », explique Me Catherine Faivre. Grâce à cette plainte qui va être déposée prochainement contre l'État et le laboratoire BioMérieux, les 70 patients espèrent être enfin entendus et pris en charge comme ils estiment devoir l'être dans un pays comme la France.

L'annonce de cette prochaine action en justice totalement inédite intervient, et ce n'est pas tout à fait un hasard, juste à la veille du WorldWide Lyme Protest en France, une journée de protestation et de sensibilisation aux maladies vectorielles à tiques ayant pour slogan « le monde s'unit pour combattre la maladie de Lyme », ce samedi 28 mai dans plusieurs villes. Des rassemblements ont eu lieu partout dans le monde durant le mois de mai. Pas impossible que le nombre de plaignants dans cette affaire gonfle subitement. Pendant ce temps sur la planète, on entend monter la rumeur que Lyme sera l'épidémie du XXIe siècle, la nouvelle peste, voire le nouveau VIH. Qu'est-ce qu'on attend pour s'en occuper sérieusement ?


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Commentaires (14)

  • repetul

    Toute cette polémique n'est que le résultat de rapports totalement biaisés entre des libér

  • Chupeta

    Je me souviens des paysans de l'Allier, quand j'étais enfant, qui retiraient les tiques de leurs chiens de chasse en tamponnant l'insecte avec un coton trempé dans le gaz oil.

  • Roger11

    Et difficile à identifier, ce qui autorise les pires fantasmes...
    Contrairement à ce qu'on prétend dans l'article, je n'ai pas lu que cette maladie serait mieux traitée en Allemagne que chez nous. D'ailleurs les régions les plus touchées (après les États-Unis) sont, en Europe, l'Autriche et certains pays de l'Est... Et les populations les plus à risque sont les chasseurs et promeneurs en forêts, que leur foi en l'écologie ne protège pas.
    Mais il y aura toujours des avocats pour convaincre les malades que rien ne vaut (surtout pour eux... ) un bon procès contre l’État, qui durera longtemps !